Le retour des “trade wife” sur les réseaux : quand la nostalgie devient un business
Elles apparaissent dans nos fils comme sorties d’un vieux magazine des années 50. Robe à pois, brushing parfait, gâteau qui sort du four et bébé dans les bras. Leur maison brille, leurs vitres aussi, et elles sourient à la caméra en vantant les joies simples du foyer. Bienvenue dans l’univers très léché des trade wives, ces femmes qui revendiquent le retour du modèle traditionnel : l’épouse au foyer, entièrement dévouée à son mari et à son intérieur.
Dans une chronique diffusée sur La Première (RTBF), Lauren Bastide, journaliste et essayiste féministe, dénonçait avec justesse la dérive idéologique qui se cache derrière ces images “parfaites”. Sous ses airs de douceur et de domesticité assumée, le mouvement trade wife véhicule bien souvent une vision profondément réactionnaire du rôle des femmes. Aux États-Unis, il s’est même rapproché de certains discours issus de l’extrême droite, glorifiant un ordre “naturel” entre les sexes et prônant le retour d’un monde où la femme reste à la maison, dépendante et docile.
Mais le paradoxe saute aux yeux. Ces femmes, qui répètent “ne travaillez pas”, “ne parlez pas sans l’accord de votre mari”, vivent précisément de leur exposition publique. Elles publient, collaborent, signent des partenariats avec des marques. Bref, elles font tout ce qu’elles prétendent condamner — mais avec un filtre rétro et un storytelling bien rôdé. Derrière la nappe en dentelle, il y a un business plan.
Ce double discours, Lauren Bastide le qualifie de dangereux. Parce qu’il banalise la régression tout en la rendant séduisante. Il transforme la soumission en décor Pinterest, la dépendance en lifestyle “féminin et apaisé”. Et le succès de ces comptes n’a rien d’anodin : il survient dans un moment où, des deux côtés de l’Atlantique, les droits des femmes sont à nouveau fragilisés.
Aux États-Unis, la remise en cause du droit à l’avortement sous l’ère Trump a ouvert la voie à ce revival d’une féminité silencieuse et docile. Et comme souvent, ce qui prospère là-bas finit par influencer ici. Voir cette idéologie se glisser sur nos réseaux, portée par des visuels pastel et des sourires bien cadrés, me glace. Parce qu’elle piétine le combat de toutes celles qui, depuis des générations, se battent pour que nous puissions, justement, choisir.
Et c’est bien là que tout se joue : le choix. Être mère au foyer n’a rien de honteux — quand c’est un vrai choix, et non une injonction déguisée en esthétique vintage. Ce qui inquiète, c’est cette glorification d’un modèle unique, imposé comme l’image du bonheur féminin.
En regardant ma fille, je me dis qu’elle devra peut-être, elle aussi, défendre des libertés qu’on pensait acquises. Et ça, c’est insupportable.
Sur Be by Maman, j’ai voulu créer un autre modèle : celui de la maman hybride. Une femme qui assume ses contradictions, son envie de réussir, d’aimer, de respirer, de transmettre. Une femme libre, multiple, moderne — pas un cliché figé dans une cuisine pastel.
La trade wife vend de la nostalgie.
La maman hybride, elle, construit l’avenir.
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