Femmes sous influence : quand Instagram redessine notre rapport à nous-mêmes

Femme tenant un smartphone affichant le logo d’Instagram à l’écran

Instagram : du partage à la comparaison permanente

Il fut un temps où Instagram ressemblait à un grand café virtuel. On y partageait des petits bouts de vie, on riait entre mums, on échangeait sur les nuits blanches, les taches de purée sur le jean et la charge mentale. Une communauté d’humanité ordinaire, imparfaite, un peu brouillonne — mais sincère.

Puis, sans qu’on s’en rende compte, quelque chose a basculé. Aujourd’hui, scroller, c’est un sport à haut risque pour l’estime de soi. Plus je défile, plus j’ai envie de changer. De faire un régime. D’acheter cette crème hors de prix. De refaire mes mèches. D’habiller mes enfants comme s’ils allaient défiler pour Jacadi. Et à la fin, ce n’est plus un réseau d’inspiration, c’est un miroir déformant.

Instagram n’est plus une fenêtre sur le monde : c’est un mur d’injonctions. Une galerie d’illusions filtrées où l’on se compare sans arrêt. Soit on rit de celles “qui en font trop” ou pas assez, soit on envie celles qui “ont tout”. Dans les deux cas, on se perd. Et à force de scruter les vies des autres, on oublie de regarder la nôtre.

L’algorithme, ce faux ami qui décide pour nous

Le plus ironique dans tout ça ? Ce n’est même plus nous qui décidons ce qu’on regarde. L’algorithme, cette bête invisible et insatiable, apprend nos failles mieux que nous-mêmes. Tu regardes une vidéo “routine beauté” ? Attends-toi à vingt autres le lendemain qui te diront à chaque fois que tu n’as pas la bonne. Tu likes un avant-après minceur ? Te voilà plongée dans un océan de corps irréels et de promesses toxiques.

Instagram ne nous inspire plus : il entretient le manque. Il crée le vide, puis vend la solution. Et chaque scroll nourrit ce cercle vicieux : plus tu cherches à te sentir mieux, plus tu te sens en retard.

Alors, oui, je continue d’y aller. Mais autrement. Moins souvent, plus consciemment. Quand je sens que mon doigt commence à creuser un sillon dans l’écran, je le repose. Et surtout, je choisis. Je recherche ce que j’ai envie de voir, au lieu de me laisser avaler par le flux. C’est une discipline mentale — un peu comme dire “non” à un délicieux dessert quand on n’a plus faim.

À force de scroller la vie des autres, on finit par oublier qu’on en a une à vivre.

Le paradoxe du contenu “positif” : quand tout le monde est magnifique (ou censé l’être)

Ce qui me frappe, c’est l’uniformité. On célèbre la diversité des femmes, mais on finit toutes par se ressembler. Même sourire, même pose, même lumière. Les corps “différents” deviennent eux aussi des produits de contenu. On nous dit : “Sois toi-même”, tout en nous expliquant comment l’être en dix filtres et trois stories.

Et ne parlons même pas de cette logique du “follow to follow” : je te suis, tu me suis, on s’auto-valide sans même se découvrir. Le like est devenu une monnaie, pas un geste. On ne partage plus, on performe. Et pendant ce temps, nos cerveaux — et nos porte-monnaie — tournent en boucle.

Ce n’est pas seulement une question d’ego. C’est une question de regard. Plus on consomme ces images calibrées, plus notre perception de nous-mêmes, de nos enfants, de notre maison, se déforme. On finit par croire que tout ce qu’on a de vrai est “à améliorer”.

Réapprendre à scroller libre

Je ne prône pas la déconnexion totale. Je ne suis pas hypocrite : j’aime encore découvrir un compte inspirant, une citation qui tombe pile au bon moment, une photo qui donne envie de cuisiner. Mais j’ai arrêté de laisser Instagram décider à ma place.

Être une femme hybride, c’est aussi ça : reprendre la main sur son attention. Choisir ce qu’on regarde, ce qu’on croit, ce qu’on nourrit. Parce qu’à force de chercher autre chose, on finit par se perdre soi-même.

Je suis blonde, j’ai les cheveux bouclés, et je ne serai jamais un clone de Kim Kardashian — pas parce que je ne peux pas, mais parce que je ne veux plus.

Instagram ne devrait pas être un tribunal de perfection, mais un carnet d’idées, de partages, d’imperfections heureuses. Alors, à celles qui se reconnaissent dans ce scroll sans fin : repose ton doigt. Regarde autour de toi.
Ta vie mérite mieux qu’un algorithme.

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